Walk-Up, d'Hong Sangsoo
- Florent Boutet
- 14 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 mars

L'excitation de découvrir une nouveau film d'Hong Sangsoo est toujours palpable quand vient le temps de sa nouvelle proposition saisonnière, comme un fruit tant attendu de nouveau proposé comme chaque année. Cet hiver c'est avec Walk-Up que le maître coréen revient, plaçant au cœur de sa proposition un immeuble séouliote. Ce n'est pas une surprise de retrouver dans le rôle principal Kwon Haeyo, fidèle du cinéaste, présent dans presque chacun de ses films, devenu au fil du temps son double de cinéma. Si l'on sait que Hong Sangsoo n'intellectualise pas ses long-métrages, étant plus dans l'instinct que la théorie, il met souvent à l'honneur une idée de mise en scène, se laissant emporter par ses possibilités.
L'immeuble est ici le mille feuilles qui va lui permettre d'exprimer son propos, jouant avec les personnages, leur faisant revêtir divers rôles, d'étage en étage, pour raconter la vie de ce petit ensemble composé d'un restaurant et de quelques appartements. Les premières scènes sont dans la tradition du réalisateur de Matins calme à Séoul, des personnages rassemblés autour d'une table de restaurant, de l'alcool, et des conversations somme toute banale. On y parle de ses projets, notamment ceux de la fille du réalisateur, et de fil en aiguille se met en place un drôle de ballet, ou chacun va coulisser pour proposer quelque chose de différent de lui-même.
Sur le prétexte d'aller chercher à boire, donc une sortie de champ de Kwon Haeyo, l'histoire mute, et la caméra investit chaque étage. Byungsoo, le cinéaste du film, change de vie, abandonne le cinéma, se met en couple avec la restauratrice du 1er étage, puis se retrouve au dernier étage, et change encore de chemin affectif et professionnel. Cette histoire fleure bon le Building Stories de Chris Ware, chef d'oeuvre de bande dessinée américaine, qui découpait un immeuble et racontait par tranches ces petites histoires du quotidien. Le film est difficile à comprendre en premier lieu, il y a quelque chose de déroutant dans la manière qu'a l'histoire de passer d'un récit à un autre, mais assez vite on comprend qu'à la manière de Hill of Freedom, Hong Sangsoo rythme son histoire par le biais d'un artifice astucieux.

Là où ses précédents films étaient hantés par la mort, on pense notamment à Hotel by the River, Walk-up, dans son thème même d'élévation de la pensée, regorge de vie et de possibilités. Dans son style si particulier, dans une économie de moyens rare, Hong Sangsoo se permet de suivre son postulat jusqu'au bout, clôturant comme il l'avait commencé, dans une boucle harmonieuse où l'on retrouve la situation initiale, dans une mouvement magnifique de la caméra, comme s'il ne s'était rien passé. C'est tout simplement un songe, fugace et délicat, que raconte HSS, une toute petite phrase qu'il a pris le soin de raconter dans un langage purement cinématographique.
Cette liberté de ton, pouvoir raconter le film qu'il souhaite sans aucune pression lié au financement, est possible grâce à une structure de production réduite à quelques personnes, dont Kim Minhee, aujourd'hui moins actrice que collaboratrice, notamment à la production. Cette équipe minuscule et le peu de moyens nécessaires pour mettre en branle chaque projet, est ce qui a rendu possible cette trentaine de long-métrages, chiffre conséquent et qui ne semble pas prêt de s'arrêter. Un autre film est d'ors et déjà prévu pour juillet, intitulé De nos Jours, et un autre sera en compétition à la Berlinale dans quelques jours. A ce rythme, nos saisons ne risquent pas de manquer de nouveaux Hong Sangsoo.