top of page

Un hiver à Yanji, d'Anthony Chen

  • Photo du rédacteur: Florent Boutet
    Florent Boutet
  • 1 mai
  • 2 min de lecture

Trois jeunes gens assis autour d'une table dans un bar

Trois ans après Wet season, le lauréat de la Caméra d'or 2013 pour Ilo Ilo, quitte Singapour et gagne la Chine continentale voisine pour un récit sous forme de trio composé de deux hommes et une femme. Anthony Chen a bouleversé ses envies de cinéma, décidant d'explorer d'autres sentiers que ceux de son île natale, écrivant coup sur coup ce film et une autre histoire en langue anglaise, L'échapée, présentée à Sundance au mois de janvier. De son propre aveu la pandémie mondiale de Covid a créé chez lui de nouvelles envies, mais où on retrouve toujours fortement les mêmes ingrédients, témoins d'un auteur aux idées construites et précises, malgré une écriture de scénario effectuée ici dans l'urgence, non bouclée à quelques jours du début du tournage.


Le premier motif omniprésent dans Un Hiver à Yanji est la mort. Chacun des trois personnages est tenté à un moment où un autre de l'intrigue de succomber au suicide, de se lancer dans le vide et dans l'oubli, lestés par une dépression tenace. Leur rencontre se fait dans un lieu insolite : située à la frontière nord-coréenne, cette petite ville chinoise est bercée par les deux cultures, les boutiques et immeubles arborant les deux alphabets, dans un syncrétisme troublant prolongé par le personnage de Nana, guide touristique appartenant à cette communauté sino-coréenne. Elle recueille Hao Feng (joué par Haoran Liu), jeune homme aisé travaillant dans la finance à Shanghaï, venu dans la région pour le mariage d'un ami. C'est la perte de son téléphone portable qui déclenche une réaction en chaine pour lui, et abandon pur et simple de tous ses projets initiaux.


Trois personnes dans la neige au milieu de la forêt

Nana lui présente Xiao, un ami, et complète ce triangle pas tout à fait amoureux qui par un concours de circonstances se constitue comme un hors-piste de l'itinéraire touristique qui entame le film. Nana entraîne les deux hommes dans des sentiers plus sauvages qui sont autant de mise en abîme qui vont bouleverser les protagonistes, tout en provoquant de la même manière une forme de guérison nécessaire. Une des scènes du film la plus réussie les emmène à proximité d'un lac dit « céleste », au sommet d'une montagne enneigée. Si leur excursion tourne court à cause des intempéries, un subtil fondu les présentent dans la continuité dans une salle d'un bar dansant. Une chanteuse entonne avec lyrisme l'Arirang, chanson célèbre coréenne qui est à la fois un hymne national, mais surtout la marque du retour pour ceux qui sont partis loin de chez eux.


Tout ce passage est gorgé de symboliques fortes pour les coréens, mais la scène a la qualité de fonctionner même sans être au courant de ces sens cachés. La marche à travers la neige ponctuée par cette musique sublime est un aboutissement éloquent pour Xiao, Nana et Haofeng. Anthony Chen couvre ses personnages d'un regard bienveillant qui n'a nul besoin d'être trop prolongé par une somme de détails par ailleurs évidents. Seule Nana se livre au détour d'une rencontre avec une ancienne amie gymnaste, révélant un peu des tourments qui l'ont conduite à sa vie présente. Le souffle retombé, chacun et chacune peuvent reprendre leur route, lavés de leurs maux après avoir partagé un morceau de cet hiver.

bottom of page