Julie est amoureuse, de Vincent Dietschy
- Florent Boutet
- 10 mai
- 3 min de lecture

Julie a tout quitté pour se consacrer à son homme : dès la première scène elle est citée en exemple, elle a fait ça pour lui, pour le théâtre. Mais peu importe l'art, Julie est amoureuse, tel est le titre du film de Vincent Dietschy, sorti en 1997, et quelque peu tombé dans l'oubli depuis. En effet, ce film confidentiel se retrouve enclavé entre la mort d'un support vidéo, la VHS, et la naissance d'un nouveau, le DVD, pas encore démocratisé ni hégémonique dans les foyers français. Aujourd’hui pourtant, une renaissance profite à beaucoup de ces petits films, injustement dédaignés lors de leur première et méritant une second regard, une nouvelle vie.
L'esprit troupier anime chaque plan et épouse les contours de l'histoire très simple qui nous est décrite. Une petite compagnie de théâtre du sud ouest prépare sa représentation de Roméo et Juliette, sous la férule de Bart, metteur en scène un brin mégalomane mais guère pris au sérieux par ses camarades de scène. Son actrice principale semble ne pas vouloir se dessiner, hésitation et rebondissements émaillent le premier tiers du film, les Juliette successives fuyant un spectacle qui jamais ne semble devoir se monter. Intervient alors le couple habitant le château voisin, un acteur célèbre et sa femme, interprétée par Anne Le Ny, également créditée au scénario aux cotés du réalisateur. Dès lors le coté vaudeville ne fait que monter crescendo, soulignant l'importance de l'humour dans la construction de l'intrigue.
Le film est en effet très drôle, utilisant son ton comique comme un levier permettant d’enchaîner sans encombres les différentes étapes du scénario. La naïveté de Julie n'a d'égal que le burlesque de son Bart, qui même dans ses tromperies se comporte comme un Auguste qui aurait oublié son maquillage. Grâce à ces atouts il plane une légèreté rafraîchissante sur cette petite histoire qui n'est pas sans rappeler le travail de cinéastes plus célèbres. L'aventure humaine, très douce et sans prétention fait beaucoup penser aux longs-métrages de Jacques Rozier, notamment Du coté d'Orouët, film de vacances hors du temps qu'on retrouve dans bien des plans de Julie est amoureuse. L'autre influence très présente est celle du Truffaut de la Classe Américaine, décrivant la vie sur un plateau de tournage, microcosme fourmillant de petites anecdotes insistant sur la difficulté de mener à bien de tels projets artistiques, les histoires d'amour y naissant apparaissant comme des didascalies du travail sur le plateau.
Au milieu de toutes ces histoires singulières se dégage une petite musique agréable, une grâce subtile qui illustre bien la phrase de Julie Delpy dans Before Sunrise de Richard Linklater, à savoir que la magie entre les personnes se trouve dans l'espace qui les sépare et qu'il faut combler.

C'est donc un film très joyeux qui nous est présenté, jouant des aspérités du registre comique pour parler d'amour sans intellectualisation outrancière, dans une finesse rare qui se rapproche là encore du cinéma de Rozier. Lui, plus que ses contemporains, avait su imprimer une marque intemporelle à son cinéma, écartant ses personnages de leur milieu d'origine, souvent la capitale bruyante et fatigante, pour les placer en pleine nature face à eux mêmes et leurs contradictions. Le couple de châtelains de Julie est amoureuse ne fait pas exception : il se retrouve grâce à cet exil estival et à l'effervescence créée par la représentation et la petite troupe d'acteurs amateurs.
Dix sept ans après sa sortie officielle c'est toute une génération de cinéphiles qui a pu découvrir ce très beau film, disponible le 4 février 2014 aux éditions Shellac. Ceci est heureux car Vincent Dietschy a peu d'équivalents dans le cinéma français contemporain, si ce n'est chez des cinéastes comme Guillaume Brac ou Hubert Viel.


